• EPISODE 7: A l'abordage !...

    SURCOUF LIVRE- A l'abordage ! répète l'équipage avec un ensemble de bon augure et  en s'élançant avec un merveilleux élan, sur le vaisseau ennemi.

     - Quant à vous, non combattants,- continue Surcouf, chez qui la prudence et le sang-froid ne s'endorment jamais, ne bougez pas de vos places, et massacrez sans pitié toux ceux qui descendront sur le pont, qu'ils soient Anglais ou Français...peu importe...tuez-les toujours !...

    Surcouf vient à peine de donner cet ordre, qui rappelle assez Hernan Cortez brulant ses vaisseaux, quant une quatrième volée partant du Kent nous assourdit et nous couvre de flamme et de fumée ; La Confiance frémit, à cette secousse, depuis sa carène jusqu'aux sommet de ses mats ; heureusement elle est si ras sur l'eau, qu'à peine est-elle atteinte.

    - A toi maintenant, Drieux ! s'écrie bientot Surcouf en s'dressant à son second, qui commande la première escouade d'abordage.

    En ce moment, les flancs des deux navires, poussés l'un contre l'autre par la puissante dérive du Kent, se froissent, en grinçant à la lame, avec une telle violence, qu'ils menacent de s'ouvrir ou de se séparer. Notre bonne chance ne nous abandonne pas ! au meme moment une des lourdes ancres du vaisseau Anglais, qui pend sur sa joue de tribord, s'accroche dans le sabord de chasse de La Confiance, et rompt une partie de ses pavois, qui craquent et déchirent en lambeaux !

    - C'est un fameux crampons auxilliaire ! s'écrie Surcouf en se jetant dans les enfléchures pour donner l'éxemple.

    Seulement notre équipage trompé par le bruit effroyable, dans la position ou nous nous trouvons, produit par ce déchirement, se persuade que le navire s'ouvre et va couler à fond. Ne voyant plus dès lors un moyen de salut que dans la prise du Kent, son ardeur s'accroit jusqu'au délire.

    Drieux, officier aussi intépide que capable, conduit son escouade d'abordage avec autant de valeur que de présence d'esprit. Il franchit bientot l'intervalle qui sépare les deux navires, et, atteignant le gaillard d'avant, tombe impétueusement sur l'ennemi, qui, au reste, je dois l'avouer, fait bonne contenance.

    Les officiers Anglais, trahis par leurs brillants uniformes, commencent alors à tomber sous les balles infaillibles de nos chasseurs de Bourbon.

    Un officier ennemi, au milieu de cette boucherie, de ce pêle-mêle général, braque une pièce de l'avant dans la batterie, de façon à pouvoir prendre La Confiance en écharppe, et y met le feu. Quelques matelots qui passaient sur les bras et la verge de l'ancre sont mutilés ou broyés, qu'importe : on les vengera.

    Pour etre juste et impartial, ce qui sera toujours mon plus vif désir, et pour rendre a chacun sa part de gloire ou de faiblesse qui peut lui revenir, je dois reconnaitre que Drieux n'est pas le premier homme de notre bord dont le pied foule le pont du Kent. Celui à qui était réservé le bonheur de se trouver avant tous en présence de l'ennemi est un simple nègre nommé Bambou.

    Bambou avit parié ses parts de prise, avec ses camarades, qu'il serait le premier à bord du Kent, et il avait gagné sa gageure. Armé simplement d'une hache et d'un pistolet, il s'est affalé du haut de la grande vergue au beau milieu des Anglais, qui stupéfait de son audace, le laissent se frayer un sanglant passage à travers leur foule, et rejoindre, sur l'avant, l'escouade de Drieux, qu'il va seconder de ses efforts.

    Pendant que Drieux combat, Surcouf avec cette lucidité d'esprit qui embrasse jusqu'aux moindres détails d'un ensemble, surveille et dirige la bataille.

    - Allons donc, Avriot, allons donc, Guide, s'écrie-t-il, des grenades donc ! des grenades ! toujours des grenades !

    - A l'instant, capitaine, répond le gabier Guide placé dans la hune de misaine, c'est que les deux lanceurs du bout de la vergue viennent d'etre tués.

    - Eh bien ! batise les Anglais avec leur cadavres, et venge-les
    , reprend Surcouf.

    - Tout de suite, capitaine, dit le gabier Avriot.

    Quelques secondes plus trad, la chute imprévue des deux cadavres, qui tombent lourdement au milieu de la masse des ennemis, opère une éclaircie momentannée dans leurs rangs.

    - En avant, mes amis s'écrie Drieux d'une voix de stentor, profitons de cette reculade.

    La vergue de misaine de La Confiance, toujours posée près du plat-bord ennemi, et l'ancre du vaisseau, qui n'a pas quitté notre sabord de chasse, sont continuellement couvertes par nos matelots qui passent sur le Kent. Les Anglais ont beau foudroyer ce dangereux passage, quelques-uns de nos hommes tombent, mais pas un seul ne recule.

    Bientot, grace à l'adresse de nos chasseurs Bourboniens, au talent de nos batonistes, à l'enthousiasme de tout le monde, nous sommes maitres du gaillard d'avant du Kent ; mais ce point important que nous occupons ne représente que le tiers du champ de bataille : en attendant, la foule des Anglais entassés sur les passevants n'en devient que plus compacte et que plis impénatrable.

    capt corsaireEnfin le capitaine du Kent, nommé Rivington, homme de coeur et de résolution comprend qu'il est temps de combattre sérieusement les malheureux aventuriers qu'il a si fort dédaigné d'abord. IL se met donc à la tête de son équipage, qu'il dirige avec beaucoup d'habilité.

    Malheureusement pour lui, Surcouf est maintenant à son bord ; Surcouf que la mort seule peut en faire sortir. L'intrépide breton, planant, du haut du pavois du Kent, sur la scène de carnage, agit et parle en même temps : son bras frappe et sa bouche commande. Toutefois, il n'est pas, il me l'avoua plus tard, sans inquiètude : si la lutte se prolonge plus longtemps, nous finirons par perdre nos avantges : or, une barricade composée de cadavres ennemis et de ceux de nos camarades s'élève sur les passavants et nous sépare des Anglais ; cette redoute humaine arrête notre élan.
    ( a suivre... )

    Auteur: Louis Garneray "Compagon de Surcouf"

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 18 Février 2010 à 12:00
    Salut mon Papy ! C'est une narration superbe, et merçi d'avoir repris le récit d'un participant à cet abordage. Travail remarquable de ta part. Je ne savais pas que Louis Garneray avait servi sur La Confiance sous les ordres directes de Surcouf. Même si on peut rêver d'enfantines histoires d'abordage, celà devait être terrifiant et demander des qualités de courage extraordinaire. Merci de nous faire vivre de tels instants !
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