• EPISODE 8: On se déchire... on se mord...on s'étrangle...Rhaaaaa!!!!

    équipage-1Des deux bords du gaillard d'avant du Kent, nos hommes, à qui Surcouf vient de faire parvenir secrètement ses ordres, chargent à mitraille deux canons jusqu'à la gueule et les braquent sur l'arrière, en ayant soin de dissimuler le plus qu'ils peuvent cette opération, qui, si elle réussit, nous sera d'un si grand secours.

    Pendant ce temps, les soldats anglais, juchés sur leur drome et derrière le fronton de leur dunette, abattent quelques uns de nos plus intépides combattants.

    Nous devons alors envahir la drome et l'emporter d'assaut ; quelques minutes nous suffisent pour cela, et bientot nos chasseurs bourboniens, qui ont remplacé les Anglais dans ce poste élevé, nous débarrassent d'autant d'officiers qu'ils en aperçoivent et qu'ils en visent.

    - Ouvrez les rangs sur les passavants, crie bientot Surcouf d'une voix vibrante.

    Sa parole rententit encore quand les deux pièces de canon dont nous avons déjà parlé, et que nos marins sont parvenus à charger en cachette de l'ennemi et à rouler sur l'arrière, se démasquent rapidement et vomissent leur mitraille, jonchant à la fois de cadavres et de débris humains les passavants, les deux bords du gaillard d'arrière et ceux de la dunette.

    Ce désastre affreux ne fait pas perdre courage aux Anglais, et, prodige qui commence à nous déconcerter, et que je crois pouvoir pourtant expliquer, les vides de leurs rangs se remplissent comme par enchantement.

    Depuis que nous avons abordé, nous avons tous mis, terme moyen, un homme hors de combat : nous devrions donc etre, certes, maitre du Kent. Eh bien ! nous ne sommes cependant pas plus avancés qu'au premier moment, et l'équipage que nous avons devant nous reste toujours auusi nombreux.

    A chaque sillon que notre fureur trace dans les rangs ennemis, de nouveaux combattants roulent, semblables à une avalanche, du haut de la dunette du Kent et viennent remplacer leurs amis gisant inanimés sur le gaillard d'arrière ; c'est à perdre la raison d'étonnement et de fureur.

    Le combat continue toujours avec le meme acharnement ; partout l'on entend des cris de fureur, des rales de mourants ; les coups sourds de la hache, le cliquetis morne du baton, mais presque plus de détonation d'armes à feu. Nous sommes trop animés des deux cotés les uns contre les autres, pour songer à charger nos mousquets ; cela demanderait trop de temps ! Il n'y a plus guère que nos chasseurs bourboniens qui continuent à choisir froidement leurs victimes et continuent le feu.

    Tout à coup un déluge de grenades, lancées de notre grande vergue avec une merveilleuse adresse et un rare bonheur, tombe au beau milieu de la foule ennemie et renverse une vingtaine d'Anglais. C'est le gabier Avriot qui tient la parole qu'il a donné à Surcouf de venger les deux lanceurs tués sur la vergue de misaine.

    Ce nouveau désastre ne refroidit en rien, je dois l'avouer, l'ardeur de nos adversaires. Le capitaine Rivington, monté sur son banc de quart, les anime, les soutient, les dirige avec une grande habileté. Je commence, quant à moi, à douter que nous puissions jamais sortir, sinon à notre bonheur, du moins à notre avantage, de cet abordage si terrible, et ou nos forces sont si inférieures, lorsqu'un heureux événement survient qui me redonne un peu d'espoir.

    Le capitaine Rivington, atteint par un éclat de grenade qu'Avriot vient de lancer, est renversé de son banc de quart : on relève l'infortuné, on le soutient, mais il n'a plus que la force de jeter un dernier regard de douleur et d'amour sur ce pavillon anglais qu'il ne verra pas au moins tomber ; puis, sans prononcer une parole, il rend le dernier soupir.

    Surcouf, à qui ne rien n'échappe, est le premier à s'apercevoir de cet évènement ; c'est une occasion à saisir, et le rusé et intrépide Breton ne la laissera pas s'échapper.

    - Mes amis, s'écrie-t-il en bondissant, sa hache à la main, du sommet de la drome sur le pont, le capitaine anglais est tué, le navire est à nous ! A coups de hache ! maintenant, rien que des haches aux premiers rangs... En serre-file les officiers avec vos piques...Emportons le gaillard d'arrière et la dunette...c'est là qu'est la victoire.
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    Le Breton, joignant l'exemple à la parole, se jette tete baissée sur l'ennemei ; sa hache lance des éclairs et un vide se forme autour du rayon que forme son bras ; en le voyant je crois aux héros d'Homère et je comprends les exploits de Duguesclin ! le combat cesse d'etre un combat, et devient une boucherie grandiose ; nos hommes escaladent, en la grossissant des corps de quelques'uns, la barricade formée de cadavres qui sépare du gaillard d'arrière et de la dunette . La lutte a perdu son caractère humain, on se déchire, on se mord, on s'étrangle !

    Je devrais peut-etre à présent décrire quelques-uns des épisodes dont je fus alors le témoin, mais je sens que la force me manque. Les nombreuses années qui se sont écoulées depuis l'abordage du Kent, en retirant à mon sang sa fougue et sa chaleur, me montrent aujourd'hui sous un tout autre aspect que je leur trouvais alors, les évènements de mon passé.

    Je demanderais donc la permission de passer sous silence, souvenirs douloureux pour moi, les combattants qui, aux prises sur les pavois du Kent, tombent enlacés à la mer et se poignardent d'une main, tandis qu'ils nagent de l'autre ; ceux encore qui, lancés hors bord par le roulis, son broyés entre les deux navires. Je revient à Surcouf.

    Le tenace et intrépide Breton à réussit ; il s'est enfin emparé du gaillard d'arrière et de la dunette. Les Angalis épouvantés de son audace ont fini par lacher pied et se précipitent dans les écoutilles, hors du bords, dans les panneaux, sous les porte-haubans et surtout dans la dunette.

    La lutte semble terminée. Surcouf fait fermer les panneaux sur nos ennemis, lorsque le second du Kent, apprenant la mort de Rivington, abandonne la battrie, ou il se trouve, et s'élance sur pont pour prendre le commandement du navire et continuer le combat.

    Heureusement sa tentative insensée et inopportune ne peut réussir ; il trouve le pont en notre pouvoir, et il obligé de battre tout de suite en retraite ; mais il n'en est pas mpoins vrai que cette sortie a couté de nouvelles victimes !

    Cette fois, le doute ne nous est plus possible, nous sommes vainqueurs !  Pas encore. Le second du Kent, exaspéré de l'échec qu'il vient de subir, et ayant sous la main toutes les munitions en abondance, fait pointer dans la battrie, en contrebas, des canons de 18, pour défoncer le tillac du gaillard et nous ensevelir sous ses décombres.
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    Surcouf, est-ce grace au hasard ? est-ce grace à son génie ? devine cette intention. Aussitot, se mettant à la tete de ses hommes d'élite, il se précipite dans la batterie : je le suis.

    Le carnage qui a eu lieu sous le pont du vaisseau ne dure pas longtemps, mais il est horrible : cependant, dès que notre capitaine est bien assuré que cette fois la victoire ne peut plus lui échapper, il laisse pendre sa hache inerte à son poigné, et ne songe plus qu'à sauver les victimes. Il aperçoit entre autres Anglais poursuivis, un jeune midshipman, qui se défend avec plus de courage que de bonheur, car son sang coule déjà par plusieurs blessures, contre un de nos corsaires.

    Surcouf se précipite vers le jeune homme pour le couvrir de sa protection ; mais le malheureux, ne comprenant pas la généreuse intention du Breton, lui saute à la gorge, et essaie inutilement de le frapper de son poignard, lorsque le nègre Bambou, croyant que la vie de son chef est en danger, cloue d'un coup de lance l'infortuné midshipman dans les bras de Surcouf, qui reçoit son dernier soupir. L'expédition de la batterie terminée, nous remontons, Surcouf en tete, sur le pont ; le combat a cessé partout.

    - Plus de morts, plus de sang, mes amis ! s'écrie-t-il. Le Kent est à nous ! Vive la France ! vive la nation !

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     Louis Garneray, auteur du livre "compagnon de Surcouf" et du tableau ci-dessous " la prise du Kent"

     
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  • Commentaires

    1
    Vendredi 19 Février 2010 à 12:00
    bonsoir demain gauffre tu passes quand tu veux bisous, passe le mot à ton voisin Jamais de répit chez ton corsaire
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