• FIN : Surcouf ; Garneray ; Marie-Catherine...

    kent et confiance2
    - Parbleu, mes amis
    , nous dis Surcouf après ces explications, savez-vous, qu'amour propre mis à part, nous pouvons nous vanter entre nous d'avoir assez bien employé notre journée ! Il nous a fallu escalader, sous une grêle de balles, une forteresse trois fois plus haute que notre navire, et combattre chacun trois anglais et demi ! Ma fois, je trouve que nous avons bien gagné les grogs que le mousse va nous apporter !

    - Parbleu, je ne m'étonne plus à présent, Surcouf, dit en riant M. Drieux, qui avait lui-même si fort contribué à notre triomphe, si, quand nous abattions un ennemi, il s'en présentait deux pour le remplacer ; mais ce qui me surprend, c'est que toi, qui devines ce que tu ne vois pas, tu ne te sois pas douté, avant d'aborder Le Kent, à quel formidable équipage nous allions avoir affaire.

    - Laisse donc ! Je le savais on ne peut mieux...

    - Ah bah ! Et tu n'en as rien dis ?

    - A quoi cela eut-il servi ? À décourager l'équipage...pas si bête... Seulement je savais qu'une fois la besogne commencée, mes frères de la Cote ne la laisseraient pas inachevée. L'évènement a justifié mon espérance !

    Le second du Kent nous avoua ensuite avec une franchise qui lui valut toute notre estime, que le capitaine Rivington avant le commencement de l'action, avait eu la galanterie de faire avertir ses passagères que si elles voulaient assister au spectacle d'un corsaire français coulé à fond, elles n'avaient qu'à se rendre sur la dunette du Kent. Le fait est, ajouta le second, que je ne puis me rendre encore compte, messieurs, comment il peut se faire que je me trouve en ce moment votre prisonnier, et que le pavillon du Kent soit retourné sens dessus dessous en signe de défaite. Je ne comprends pas votre succès.

    - Dame ! Cela est bien simple
    , lui répondit Surcouf. J'avais engagé ma parole auprès de mon équipage qu'avant la fin du jour votre navire serait à nous ! Cela explique tout : je n'ai jamais manqué à ma parole.

    Sur le champ de bataille que nous occupions se trouvait comme spectateur un trois-mâts more
     (maure), sur lequel nous transbordâmes nos prisonniers. Toutefois Surcouf ne leur accorda la liberté que sous parole que l'on rendrait un nombre égal au leur des prisonniers français détenus à Calcutta et a Madras, et que les premiers échangés seraient l'enseigne Bléas et les matelots de l'embarcation capturée par La Sybille.

    Ces arrangements conclus et terminés, Surcouf, mu par un sentiment de grandeur et de désintéressement partagé par son équipage, laissa emporter aux Anglais, sans vouloir les visiter, toutes les caisses qu'ils déclarèrent être leur propriété et ne point appartenir à la cargaison.

    Quant au Anglais trop brièvement blessés et dont le transbordement eut pu mettre les jours en danger, ils restèrent avec leur chirurgien à bord de La Confiance ; malheureusement, l'abordage avait été si terrible, si acharné, les blessures par conséquent étaient graves et si profondes que presque pas un d'entre eux ne survécut. Ils furent tous emportés, au bout de quelques jours, au milieu de souffrances épouvantables, par le tétanos.

    Les avaries des deux navires réparées, M. Drieux passa avec soixante hommes à bord du Kent, dont il prit le commandement, et comme cet arrimage, uni à nos pertes, avait réduit nos forces de façon à nous rendre, sinon impossible, du moins dangereuse toute nouvelle rencontre, nous nous dirigeâmes, naviguant bord à bord, vers l'ile de France (ancien nom de l'ile Maurice)
     ; nous eûmes le bonheur de l'atteindre sans accident.

    Jamais je n'oublierais l'enthousiasme et les transports que causèrent notre apparition et celle de notre magnifique prise parmi les habitants du Port-Maurice.

    Notre débarquement fut un long triomphe. C'était à qui aurait l'honneur de nous serrer la main. Obtenir un mot de nous était considéré comme une grande faveur ; et quand nous consentions à accepter un diner en ville, on ne trouvait rien d'assez bon pour nous être offert.

    - Eh bien Garneray, me dit un jour Surcouf, que je rencontrai dans une réunion, t'avais-je trompé, mon garçon, en te promettant que si tu voulais associer ta fortune à la mienne tu n'aurais pas lieu de t'en repentir ! En comparant ta position actuelle à celle que tu avais lorsque Monteaudevert (Un corsaire français peu apprécié par Surcouf)
     t'a présenté à moi, n'es-tu pas millionnaire ? Crois moi, ne me quitte pas.

    - Je ne demande pas mieux, capitaine, que de m'embarquer de nouveau avec vous.

    - Oui ; eh bien ! Je dois mettre sous peu voile pour Bordeaux, ou MM. Tabbois-Dubois, les consignataires de mon armateur, veulent envoyer La Confiance, armé en aventurier, porter une riche cargaison : ainsi tiens-toi prête, qu'as-tu donc ? Cette nouvelle semble te contrarier ?

    - Ma foi à vous dire vrai, capitaine, je sens qu'à présent que j'ai gouté l'Inde, il me serait difficile de m'acclimater de nouveau en France !...Je vous accompagnerai, parce que je ne veux pas vous quitter ; mais si ce n'était pour vous...

    - Tu es un imbécile, mon cher Garneray, dit Surcouf en m'interrompant, non pas de préférer l'Inde à la France, au contraire, je t'approuve fort à cet égard ; mais bien de ce que, préférant l'Inde à la France, tu abandonnes le premier de ces deux pays pour retourner dans le second ! Et cela pourquoi ? Parce que c'est moi qui commande le navire.  Sérieusement parlant, je te remercie du sentiment d'affection que tu me portes et que, tu sais que je n'aime pas les phrases, je te rends bien, mon garçon !.. Vois-tu la vie est courte, et il faut savoir en jouir, c'est là la mission de l'homme intelligent...Tu aimes l'Inde, reste-y. Tu as de l'argent, j'en ai encore bien plus, si tu en avais besoin, à ta disposition ; intéresse-toi dans quelque affaire maritime, fixe-toi, pour le moment, dans ces parages.

    - Mais vous, capitaine, pourquoi retournez-vous en France ?

    - Oh ! Moi, garçon, c'est autre chose. Tout viveur et rond que tu me vois, j'ai un sentiment dans le cœur qui m'obsède et me harcèle sans cesse...Je vais en France pour me marier !

    En effet, le 29 janvier 1801, Surcouf, commandant La Confiance, mettait à la voile pour Bordeaux.

    Comme ces mémoires, renfermant seulement les faits dont j'ai été témoin, laissent en route, sans plus s'en occuper, des personnages auxquels le lecteur pourrait s'intéresser, mais que le hasard n'a plus placés sur mon chemin, j'ajouterai que Surcouf, après une traversée accidenté au possible, et que je regrette vivement de ne pas avoir faite, ce qui me donnerait le droit de la raconter à présent, trouva en arrivant les passes de la Gironde bloquées et parvint à débarquer la riche cargaison de La Confiance à La Rochelle, ou il mouilla le 13 avril suivant.

    Quant à son mariage avec celle qu'il aimait, mademoiselle Marie-Catherine Blaize, il eut lieu à Saint-Malo le 8 prairial an IX de la République, ou, si l'on aime mieux le 28 mai 1801. On voit que Surcouf menait aussi rondement les affaires de sentiment que celles de sa profession. Le corsaire avait alors vingt-sept ans.

    Ainsi ce termine l'affaire de la prise du KENT par Surcouf, racontait dans ses mémoires par le peintre de marine louis Garneray qui était à  l'époque des faits enseigne sur La Confiance.

    De nombreux ouvrages raconte cet épisode de la vie de Surcouf mais, à mes yeux,  aucun ne valent le témoignage de GARNERAY.

    KENT-GROS.jpg

    Ci-dessous: La première page du journal de bord de la confiance; Portrait de Surcouf et une maquette de La Confiance.
    surconlivbr.jpg

     
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  • Commentaires

    1
    Dimanche 21 Février 2010 à 12:00
    je ne vais pas en rater un seul...
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