• Un illustre inconnu, le colonel Yves BOUTIN

    Au cours de l'histoire parfois un homme peut en changer le fil sans que lui, ou que ses contemporains en aient conscience. Pourtant, par effet papillon, les actes de cet hommes, officier du génie de l'armée impériale, ont profondement modifié le déroulement de l'histoire...et nous en ressentons encore aujourd'hui les conséquences... et surtout c'est un peu grace à lui que je suis en vie aujourd'hui, sans la prise d'Alger mon arrière arrière grand-père Salvator (1847) n'aurai pas quitter Malte pour émigré en Algérie et mon  arrière grand père Angelo (1872) n'aurait jamais rencontré mon arrière  grand-mère Marie (1878).

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     Plaque apposée en 1930 au monument élevé à sa mémoire:

        AU SOLDAT INTREPIDE QUI SUIVANT L'EXPRESSION DE NAPOLEON 1° REUNISSAIT EN SA PERSONNE LES QUALITES DE L'OFFICIER DE MARINE ET DE L'INGENIEUR.
        A L'AUTEUR DU PLAN DE DEBARQUEMENT ET DE CONQUETE QUE LE SUCCES DEVAIT COURONNER VINGT DEUX ANS PLUS TARD.
        AU TOPOGRAPHE EMINENT QUI SUT AU COURS D'UNE BREVE EXPLORATION SONDER LES RIVAGES ALGERIENS, LEVER LES PLANS DU PAYS, TRACER D'UNE MAIN SURE LES ETAPES DE LA MARCHE VICTORIEUSE PERMETTANT A LA FRANCE DE VENGER L'EUROPE ET L'HUMANITE D'ASSURER LE TRIOMPHE DE LA CIVILISATION.
        AU COLONEL BOUTIN QU'UN LACHE ASSASSINAT AU COURS D'UNE MISSION EN SYRIE ENLEVA PREMATUREMENT A SA PATRIE ET A SA GLOIRE.

    Certes aujourd'hui une telle inscription peut choquer certaines ames bien pensantes et politiquement correct, mais il faut se remettre dans le contexte de l'époque pour en comprendre tout son sens.


    Ce n'est pas 1830 comme on le pense généralement que s'est posé pour la première fois la question d'Algérie.

    Au cours des XVI°, XVII° et XVIII° siècles les pirates barbaresques d'Alger écumaient la Méditerranée. Les marchandises étaient saisies, les équipages et les passagers étaient vendus comme esclaves; Ils étaient parfois torturés et exécutés.

    Différentes expéditions punitives avaient été montées. Alger avait été bombardé à plusieurs reprises, en particulier en 1683 par la flotte de l'amiral Duquesne, en 1688 par celle de l'amiral d'Estrées.

    Charles le Quint en 1535 avait échoué dans une tentative de débarquement.

    Napoléon 1° avait échoué dans la croisade antibarbaresque inscrite dans le traité de 1802 mais il n'avait pas renoncé à son rève oriental dont la première étape devait etre la prise d'Alger car il était nécessaire de s'assurer les libres communications en Méditerranée malgré la présence anglaise à Gilbratar et à Malte.

    La prise d'Alger nécessitait une reconnaissance préalable précise et menée dans le plus grand secret.

    Le 18 avril 1808, l'empereur demande à l'amiral Decrés de trouver et d'envoyer à Alger un homme  de valeur à la fois marin et ingénieur pour effectuer une reconnaissance en vu d'un débarquement éventuel.

    L'amiral Gantheaume décida que le commandant BOUTIN de l'arme du génie serait emmené à Alger par le brick " Le requin". Il écrivit au capitaine Bérard commandant ce batiment:..." vous recevrez à votre bord M.Boutin qui se rend auprès de M. Dubois-Thainville son proche parent; je vous prie de le traiter avec égards ".

    Boutin embarqua donc à titre civil, prétendu cousin du consul de France. La mission restait strictement secrète.

    Le consul de France reçu Boutin avec empressement et lui facilita, dans toute la mesure du possible, une mission fort délicate car il faut déjouer la suspicion des "barbaresques" envers les "roumis", surtout dans les parties de la ville ou les chapeaux ne paraissent pas.

    Boutin pousse jusqu'au cap Matifou d'un coté, jusqu'à Sidi Ferruch de l'autre dépassant ainsi de plusieurs lieues les limites que les européens n'ont pas le droit de franchir.

    Chaque jour il mène sa reconnaissance, prétextant la pêche ou la chasse. La pêche lui donne la possibilité de sonder les fonds. La chasse lui permet d'observer et de faire des croquis. Tout cela, il le confie chaque jour à sa mémoire remarquable. Chaque soir, chez le consul, il consigne par écrit les travaux de la journée.

    Boutin s'aventurait chaque jour davantage malgré les conseils de prudence que lui prodiguait le consul. En effet, ses "excursions" prolongées exapèrent le Dey qui lui adresse à plusieurs reprises par le consulat des observations et même des menaces.

    Il visite tous les forts de la ville et de ses environs. C'est à Sidi Ferruch qu'il se rend compte que c'est là qu'il faut opérer un débarquement. C'est à partir de là que par une pente douce, on accédera au plateau de Staouëli et de là, on prendra Alger à revers après s'être emparé "du chateau de l'empereur".

    Cest avec soulagement que, le 7 juillet 1808, le consul de France vit Boutin partir sur "le requin" aprés 52 jours dangereux passés sur la terre africaine.

    L'aventure n'était pas terminée.

    Le voyage fut fort mouvementé.

    Aprés différent engagements et prises de bateaux anglais, "le requin" arrive à Ajaccio pour y déposer ses prises. Il repart le 26 juillet, mais le 28 il est capturé par la frégate anglaise " La volage ". Le brick et ses prisonniers sont convoyés à Malte.

    Boutin détruit son dossier et toutes les lettres ministérielles compromettantes, à l'exception d'un petit carnet ou tout est porté en code.

    Le 24 aout, "le requin" arrive à Malte. Boutin profite de la première occasion pour s'échapper. Il trouve refuge chez un capitaine marchand ragusains le sieur de Radelia. Aprés être resté caché 15 jours, il embarque le 1 septembre sur le bateau que commande le sieur Pozzi, autre capitaine marchand ragusains.

    Boutin arrive à Paris le 29 octobre aprés un long périple à travers la méditerranée ( Smyrne,Constantinople...)

    C'est le jour même ou Napoléon quittait Paris pour aller rétablir en Espagne une situation gravement compromise par la capitulation de Baylen, le 20 juillet.

    Il ne devait renter à Paris que le 22 janvier pour faire face à une nouvelle coalition naissante.

    Boutin rentra chez lui et reconstitua en quelques semaines son rapport de reconnaissance, grâce aux notes contenues dans son fameux carnet et qu'il avait pu conserver malgré toutes ses aventures, grace surtout à sa prodigieuse mémoire.

    Ce compte-rendu qui est actuellement encore au Service Historique des Armées est d'une précision remarquable, émaillé de plans, de croquis et de carte d'une stupéfiante exactitude quand on considère les conditions dans lesquelles elles ont été établies.

    C'est en fait un véritable "ordre opérations" digne d'un officier opération d'état-major.

    Ce rapport comprend une description d'Alger et de ses environs, des forts et point fortifiés, des forces ennemies, de leurs armes, de leurs munitions, des troupes et du temps nécessaires à l'expédition, des ressources du pays, du climat, des populations et de certaines villes et itinéraires.

    Il précise qu'on devra débarquer à Sidi Feruch entre le 10 mai et le 10 juin, de là gravir le plateau et prendre le "chateau de l'empereur".

    Il détermine l'effectif du corps expéditionnaire: 35 à 40 000 hommes.

    Il donne toutes les précisions sur les résistances auxquelles on se heurtera, la conduite à tenir envers les populations: "Respecter scrupuleusement les moeurs et usages du pays"  (conseil qui ne sera pas appliquer en 1830)

    Enfin Boutin déconseille fortement une attaque directe sur le front de mer de la rade ou presque toutes les défenses sont concentrées, mais préconise, au moment du débarquement à Sidi Ferruch, une diversion par bombardement de la ville et des forts par les bâtiments de la marine.

    A l'époque ou l'empereur prend connaissance de de ce rapport, les évènements d'Europe ne lui permettent pas de donner suite à son projet. Reconnaissant la valeur du document, il fait classer le dossier aux archives du ministère.

    Il remercie Boutin en lui remettant un sabre d'honneur.

    Le rapport du commandant BOUTIN ne fut cependant pas inutile, il fut le principal, le plus précis et pour ainsi dire le seul document mis à la disposition du commandement français en juin 1830.

    plan-alger.jpg

    L'expedition d'Alger en 1830 se déroula ainsi:

    - Général de Bourmont, commandant en chef
    - Amiral Duperré, commandant la marine
    - Effectifs: 35 000 hommes
    - 14 juin 1830: débarquement des troupes sur la plage de Sidi Ferruch; pendant ce temps, l'amiral Duperré opère une diversion maritime en bombardant Alger;
    - 28 juin: bataille et conquète du plateau de Staouéli; marche d'approche sur Alger, bombardement du fort du chateau de l'Empereur qui saute le 5 juillet,
    - 6 juillet. Alger capitule, l'armée française y fait son entrée, soit en tout 20 jours de campagne.

    Les précisions de Boutin avaient été vérifiées; tout fut mené suivant ses plans et ses indications qui se révélèrent exacts sauf quelques petites erreurs secondaires, en particuliers sur l'estimation des altitudes.
     

    Cet article est extrait d'un ouvrage écrit par le Colonel ROCHE en 1983.

    Pour toutes info complémentaire consulter ces sites: 

      http://www.suite101.fr/content/breve-correspondance-entre-lady-stanhope-et-le-colonel-boutin-a15279

    http://cerclealgerianiste2607.fr/Chapitres/Site%20Internet%20Cercle%20National/www.cerclealgerianiste.asso.fr/contenu/Militaires301.htm

    http://lesapn.forumactif.fr/t2270-boutin-yves-vincent-colonel

    http://www.memoireafriquedunord.net/biog/biog03_boutin.htm

    http://www.alger-roi.net/Alger/armee_afrique/algerianiste19/textes/boutin.htm

     

     
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